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Les textes et illustrations contenues sur ce site sont protégés par les lois sur le droit d'auteur (sauf indication contraire). Pour citer cet article : Jean-Luc caradeau, www.caradeau.fr, 2016 - Pourquoi Galilée n’a-t-il jamais été réhabilité ? -Article publié sous le pseudonyme de Louis Guerche dans le n°5 de Histoire des papes et des saints – Août-septembre 2009, titre original : D’Urbain VIII à Jean-Paul II : Pourquoi Galilée n’a-t-il jamais été réhabilité ?
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Pourquoi Galilée n’a-t-il jamais été réhabilité ?


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«  ...si Aristote a tort, il faut modifier l’interprétation des Écritures et cela affaiblit la théologie scolastique Â»
Castelli (OsB), lettre au cardinal Mellini préfet du Saint office

Galileo Galilei
Galileo Galilei(0)

D’Urbain VIII à Jean-Paul II : Pourquoi Galilée n’a-t-il jamais été réhabilité ?


Le 21 août 1609, Galilée fait sa première observation avec une lunette grossissant six fois... 24 ans plus tard il sera condamné par le Saint-Office à déclarer : « affirmer que le soleil est au centre du monde et immobile est hérétique ». Quatre siècles après, l’Église catholique ne l’a toujours pas réhabilité.

Un passionné de «philosophie naturelle »

Galilée reçoit, en mai 1609, une lettre de Paris de l’un de ses anciens étudiants, lui décrivant la lunette d’approche que le Hollandais Hans Lipperhey avait réalisée l’année précédente. Immédiatement, il en construit une, plus perfectionnée : avec une image non déformée, non inversée, et grossie six fois (le double). Après avoir construit une deuxième lunette plus performante, le 21 août, en haut du Campanile de Saint-Marc, il en fait une démonstration au doge Leonardo Donato et à des membres du Sénat de Venise, dont Antonio Priuli qui en a laissé un compte-rendu : les différents monuments qu’ils observent sont neuf fois plus proches, jusqu’à Trévise, Padoue et Conegliano. Ils distinguent la façade de la basilique Sainte-Justine de Padoue et observent les gens qui entrent et sortent de l’église San Giacomo sur l’île de Murano…
Trois mois plus tard, ayant doublé la puissance de sa lunette, Galilée commencera à observer le ciel. Galileo Galilei nait à Pise le 15 février 1564. Son père est luthier, musicien, chanteur et musicologue. Il publie Dialogue de la musique moderne (1581). Son activité lui impose de connaître les mathématiques et plus particulièrement les principes de la musique pythagoricienne qui permettent de calculer la longueur d’une corde.
Enfant, Galilée est adroit et observateur : par jeu, il fabrique des maquettes de machines qu'il a aperçues. Ce qui montre une disposition naturelle, voire une vocation précoce pour les arts libéraux. Son père l’envoie étudier la médecine à l’Université de Pise. Ces études l’ennuient et il les abandonne. En revanche, dès 1582-1583, le mathématicien Ostilio Ricci(1), ami de la famille, lui enseigne la géométrie. Sa vocation est désormais fixée : il sera mathématicien, physicien, astronome… Une telle vocation implique des options philosophiques précises : le platonismeet le pythagorisme. Elles sont à l’opposé de la philosophie aristotélicienne qui domine en médecine et en théologie et sont à l’origine du mouvement humaniste.
Galilée se passionne pour cette « philosophie naturelle ». Il découvre ou – du moins – formule des lois de la mécanique, de l’hydraulique, de l’optique… En 1589, âgé de 25 ans seulement, mais recommandé par le cardinal del Monte, il est nommé par le grand-duc de Toscane professeur de mathématiques à l’université de Pise. Après la mort de son père, le 2 juillet 1591, il sollicite et obtient de la République de Venise d’être muté le 26 septembre 1592 à l'université de Padoue, plus renommée que celle de Pise. En 1604, une étoile nouvelle apparaît dans la constellation du serpentaire(2). Ce fait contredit le dogme aristotélicien(3) de « l’incorruptibilité et de l’immutabilité des cieux ».

Les découvertes astronomiques sont bien accueillies par le Saint Siège

Dès l’antiquité, platoniciens et pythagoriciens avaient émis l’hypothèse des mouvements de la terre, mais dans sa Physique, Aristote l’affirme fausse et même stupide. En 1431, Nicolas de Cues(4), dans son livre La docte ignorance dédié au cardinal Cesarini reprend à son compte : « La terre qui ne peut être un centre, ne peut être dépourvue de tout mouvement(5) ». C’est là heurter de front la physique péripatéticienne, le dogme scientifique et religieux de l’époque.
Un nouveau coup est porté par Copernic (1473-1543) avec son traité Des révolutions des sphères célestes (1530)(6), dédié au pape Paul III. Le coup fatal est l’oeuvre de Kepler (1571-1630), Astronomia Nova (Astronomie nouvelle, 1609) Il y expose les deux premières lois dites de Kepler(7). La troisième sera publiée en 1618. La plupart des mathématiciens considèrent que ces lois démontrent la réalité physique de l’héliocentrisme.
Les papes et nombre de cardinaux sont des esprits ouverts et curieux. Ils accueillent bien les nouvelles hypothèses, voire les adoptent. Pour sa réforme du calendrier, Grégoire XIII (1572-1585) consulte Copernic(1473-1543)(8). Sous Urbain VIII (1623-1644), Celio Calcagnini essaye de montrer dans son ouvrage Par quel mode le ciel est immobile, la terre se meut (9) la justesse des vues de Copernic. Galilée reçoit du Saint-Siège une pension pour son fils(**). Cependant l’Église est divisée. Les tenants de la lecture littérale des écritures s’allient aux péripatéticiens et affirment le système de Copernic hérétique, car contraire aux Écritures, qui ne peuvent se tromper. Le 10 mars 1619, ils obtiennent la condamnation de l’Abrégé de l'astronomie copernicienne (de Kepler) par le tribunal de l'Index. La publication est néanmoins autorisée, mais on y joint cet avertissement : « Comme il y a dans ce livre beaucoup de choses très utiles, le tribunal, d'un consentement unanime, a décidé de permettre l'impression des œuvres de Copernic, en modifiant seulement plusieurs passages où il est parlé du mouvement de la terre d'une manière absolue et non comme d’une hypothèse.» (in La question de Galilée(*), comme tous les extraits de lettres, de conversations, de pièces juridiques que nous citons dans cet article).

Les travaux de Galilée approuvés par le Collège romain

En 1610, Galilée découvre les satellites de Jupiter et publie Sidereus Nuntius (Annonce ou nouvelle relative aux astres, voire messager des astres). Évidemment, il signale que sa découverte apporte de la force à l’hypothèse du « mouvement de la terre ». Le livre est bien accueilli. Le pape et certains cardinaux lui témoignent concrètement de leur faveur et de leur amitié. Le 17 décembre, le père Christophorus Clavius (jésuite et astronome du Collège romain) lui écrit pour lui annoncer qu'il a vu plusieurs fois les nouvelles planètes, et le félicite « d’avoir été le premier à les observer ». Le 23 avril 1611, Galilée part pour Rome. Il veut y exposer ses observations. Il est reçu avec enthousiasme par le prince Cesi entouré de savants membres de son Académie des Lynx (Academia dei Lincei(10)). Le pape Paul V (1605-1621) lui marque son estime en refusant que le savant lui parle agenouillé comme l’exige le protocole. Le cardinal Maffeo Barberini (futur Urbain VIII), ne tarit pas d’éloges à propos de ses découvertes. Ses travaux sont approuvés par le Collège romain(11).

Le mouvement de la Terre, une question polémique

Comme les péripatéticiens publient de nombreux pamphlets, des disputes sont organisées et les cardinaux qui soutiennent les thèses de Galilée résument leur opinion par écrit. C’est le cas du cardinal Conti qui déclare dans un courrier du 7 juillet 1612 que ces travaux sont soutenus par de bonnes raisons mathématiques et philosophiques, mais avertit : « …comme ce sont là des choses nouvelles, elles ne manqueront pas de rencontrer des contradicteurs ». Dans une autre lettre, il précise : « les passages de l'Écriture relatant que le soleil tourne et que les cieux se meuvent ne peuvent recevoir une autre interprétation …». Il fait aussi état de l’opinion de Diego Stunica(12) qui affirme que le mouvement de la terre est plus conforme aux Écritures, mais ajoute qu’elle n’est pas communément suivie.
En 1613, Galilée publie Istoria e dimostrazioni intorno allé macchie solari e loro accidente(13). L’ouvrage, qui démontre la fausseté du principe « d’incorruptibilité du ciel », enthousiasme la cour papale.
Le bénédictin Castelli ayant participé à une dispute, Galilée lui écrit ces mots « en reproduisant les observations de saint Jérôme et de saint Augustin… la sainte Écriture ne peut ni mentir, ni se tromper : seulement ses interprètes peuvent errer... Si on voulait s'arrêter toujours à la signification littérale […], on serait entraîné en bien des […] absurdités et hérésies, car il faudrait dire que Dieu a des mains; des pieds, etc. »(*). Cette phrase sera à l’origine du premier procès de Galilée.

Les péripatéticiens provoquent une enquête de l'inquisition

Si sa « théorie » était adoptée, il faudrait modifier l’interprétation de l’Écriture sainte. L’offensive commence par un sermon du dominicain Caccini qui explique en chaire le sens littéral et anagogique(14) du chapitre X du Livre de Josué (où Dieu arête le soleil à sa demande) et profite de l’occasion pour affirmer à propos du système de Copernic « que cette opinion est opposée à la foi catholique ». Les attaques se pourvuivent par une dénonciation. Le père Lorini, écrit le 5 janvier 1615 au cardinal Mellini, président de la Congrégation de l’Index à propos de la lettre au bénédictin Castelli (des copies en circulaient dans Florence). Il dénonce le passage que nous avons cité, mais, prudent – précise qu’il donne simplement en secret un avis amical. Pour lui, le mouvement de la terre n’est qu’une question secondaire. Ce sont ses conséquences qui l’inquiètent : si Aristote a tort, il faut modifier l’interprétation des Écritures et cela affaiblit la théologie scolastique. À réception de cet « avis », le cardinal Mellini diligente une enquête.
La lettre est confiée à un consulteur(15) qui n’y trouve rien de répréhensible et conclut « qu’on ne s’écarte pas du langage catholique ». Cependant, les détracteurs ne désarment pas. Le 19 mars, le pape est saisi de l’affaire et ordonne qu’on interroge le dominicain(16) qui témoigne : « … Galilée soutient [que] la terre se meut et le soleil est immobile, propositions qui […] répugnent aux Saintes Écritures expliquées par les saints Pères [et] à la foi qui enseigne que l’on doit tenir pour vrai le texte de l'Écriture. ». L’enquête suit son cours.
Pendant ce temps, de nombreux prélats romains rassurent Galilée et lui conseillent de « n’entrer dans aucune explication des textes de la Sainte Écriture(17) et de présenter le mouvement de la terre comme une hypothèse qui « sauve les apparences »(18).

Première victoire des scolastiques

Le 26 février 1616, le commissaire du Saint-Office prescrit à Galilée d’abandonner entièrement l’opinion sur le soleil centre du monde et immobile ; et en ce qui concerne le mouvement de la terre de ne plus l’exposer, ni l’enseigner, ni le défendre, en quelque manière que ce fût, de vive voix ou par écrit, sous peine de se voir intenter un procès devant le Saint Office. Le 5 mars, les œuvres de Copernic sont condamnées (lire ci-dessus).

Galilée condamné par ses admirateurs pour raison politique

Néanmoins, Galilée jouit toujours de la faveur du haut clergé, de celle de Paul V puis d’Urbain VIII. Le 2 février 1623, il obtient l’autorisation de publier L’Essayeur(19). Le rapport du qualificateur(20) du Saint-Office est un éloge et l’ouvrage plait au pape. Les péripatéticiens tentent de le faire interdire et échouent… Galilée est mieux en cour que jamais quand, en 1630, il se rend à Rome pour obtenir l’autorisation de publier Dialogo sopra i due massimi sistemi del mondo (Dialogue sur les deux grands systèmes du monde). Il remet un exemplaire de son manuscrit au maître du Sacré Palais(21) qui constate que Galilée affirme la réalité physique du mouvement de la terre, et confie l’ouvrage à un consulteur qualifié. Ce dernier propose des corrections, qui sont discutées avec l’auteur. Galilée les accepte et rentre à Florence, puis soumet à nouveau son texte modifié à plusieurs reprises. Il obtient, non sans difficultés et sans multiples démarches, l’autorisation d’imprimer…

L'ouvrage provoque la colère des scolastiques

Au début du mois d’août 1632, l’ouvrage, dénoncé au pape, est soumis à une commission extraordinaire(22). Le dominicain Tommaso Campanella écrit : « Aucun des membres […] n’est mathématicien, et tous passent pour être peu disposés en faveur de Galilée ». Une plainte est adressée au pape à ce propos, mais il refuse d’en modifier la composition.
Avant la fin du mois, le maître du Sacré Palais juge que Galilée n’a pas observé pour l’impression les ordres donnés par le souverain pontife et ordonne à l’imprimeur d’en suspendre la distribution.
Grand émoi dans Florence et chez les prélats « progressistes » ! Urbain VIII reproche à Galilée de n’avoir pas suivi les instructions qu’il lui avait données personnellement lors de six entretiens privés qu’ils eurent en mai et juin 1624 et au maître du Sacré palais de n’avoir pas fait son travail ou de l’avoir trompé. Ce livre, d’après lui, « peut causer à la religion de grands préjudices, plus grands que jamais il y en eut ».
Des courriers de cette époque, il ressort que les prélats romains sont, pour la plupart, convaincus à titre personnel du bien fondé « du mouvement de la terre ». Même le dominicain Niccolo Riccardi, le maître du Sacré Palais, trouve que le décret de 1616 est injustifié. Néanmoins il condamnera Galilée pour n’y avoir pas obéi.

Condamné, mais pas torturé

Pour l’Inquisition, c’est un procès de pure forme. Le prévenu n’est pas emprisonné, mais hébergé au palais de Nicolini(23), l’ambassadeur du grand duc de Toscane auprès du Vatican. Ses amis, de hauts prélats et plusieurs consulteurs du Saint-Office, l’assurent de leur soutien.
On le persuade de se rétracter, il le fait et promet d’écrire un livre réfutant la « fausse doctrine » du « mouvement de la terre ». Tout laisse penser que Galilée sera acquitté, mais Urbain VIII veut une condamnation. Il dit à Nicolini : « Il est nécessaire que cette opinion […] soit prohibée, et il faudra que Galilée reste quelque temps prisonnier pour avoir contrevenu aux ordres […] donnés en 1616 ; mais je verrai comment cette condamnation pourra être mitigée. » Le 22 juin 1633, Galilée est conduit au couvent Sainte-Marie-sur-Minerve pour y entendre la sentence. Il est condamné à la prison pour une durée qui sera limitée « au gré du Saint-Office » et on lui impose une peine légère : réciter quotidiennement pendant trois ans les sept psaumes de pénitence… Il signe et lit une abjuration(24), que nous publions ci-après.

L'abjuration de Galilée
Moi, Galileo Galilei, fils de feu Vincent Galilée, Florentin, agé de 70 ans, constitué personnellement en jugement, et agenouillé devant vous, éminentissimes et révérendissimes cardinaux de la république universelle chrétienne, inquisiteurs généraux contre la malice hérétique, ayant devant les yeux les saints et sacrés Évangiles, que je touche de mes propres mains; je jure que j'ai toujours cru, que je crois maintenant, et que, Dieu aidant, je croirai à l'avenir tout ce que tient, prêche et enseigne la sainte Église catholique et apostolique romaine; mais parce que ce Saint Office m'avait juridiquement enjoint d'abandonner entièrement la fausse opinion qui tient que le Soleil est le centre du monde, et qu'il est immobile; que la Terre n'est pas le centre et qu'elle se meut; et parce que je ne pouvais la tenir, ni la défendre, ni l'enseigner d'une manière quelconque, de voix ou par écrit, et après qu'il m'avait été déclaré que la susdite doctrine était contraire à la Sainte Écriture, j'ai écrit et fait imprimer un livre dans lequel je traite cette doctrine condamnée, et j'apporte les raisons d'une grande efficacité en faveur de cette doctrine, sans y joindre aucune solution; c'est pourquoi j'ai été jugé véhémentement suspect d'hérésie pour avoir tenu et cru que le Soleil était le centre du monde et immobile, et que la Terre n'était pas le centre et qu'elle se mouvait.
C'est pourquoi, voulant effacer des esprits de vos Éminences et de tout chrétien catholique cette suspicion véhémente conçue contre moi avec raison, d'un cœur sincère et d'une foi non feinte, j'abjure, maudit et déteste les susdites erreurs et hérésies, et généralement toute autre erreur quelconque et secte contraire à la susdite sainte Église : et je jure qu'à l'avenir je ne dirai ou affirmerai de vive voix ou par écrit, rien qui puisse autoriser contre moi de semblables soupçons; et si je connais quelque hérétique ou suspect d'hérésie, je le dénoncerai à ce Saint Office, ou à l'inquisiteur, ou à l'ordinaire du lieu où je serai. Je jure en outre, et je promets, que je remplirai et observerai pleinement toutes les pénitences qui me sont imposées ou qui me seront imposées par ce Saint Office; que s'il m'arrive d'aller contre quelques-unes de mes paroles, de mes promesses, protestations et serments, ce que Dieu veuille bien détourner, je me soumets à toutes peines et supplices, par les saints canons et autres constitutions générales et particulières, ont été statués et promulgués contre de tels délinquants. Ainsi, Dieu me soit en aide et ses saints évangiles, que je touche de mes propres mains.
Moi, Galileo Galilei susdit, j'ai abjuré, juré, promis, et me suis obligé comme ci-dessus; en foi de quoi, de ma propre main j'ai souscrit le présent chirographe de mon abjuration et l'ai récité mot à mot à Rome, dans le couvent de Minerve, ce 22 juin 1633.
Moi, Galileo Galilei, j'ai abjuré comme dessus de ma propre main. (in Astronomie Populaire, Camille Flammarion, Flammarion)


Contrairement à la légende, il ne fut pas torturé, n’abjure pas en chemise et ne prononce probablement pas le célèbre « Eppur si muove » (Et pourtant elle tourne)…

Retiré mais pas isolé

Le pape commue immédiatement sa peine en assignation à résidence au palais de Nicolini. Il l’autorise à se rendre à Sienne dès le 30 juin, au palais de son ami l’archevêque Piccolomini. En décembre, Galilée obtient du pape l’autorisation de se retirer dans sa villa d’Arcetri, près de Florence. On lui interdit seulement d’y organiser une académie (25). Le 23 août 1634, le Dialogo est mis à l’Index. Ayant satisfait les péripatéticiens par une condamnation exemplaire, le Saint-Siège applique la sentence avec bienveillance.

Galilée dénoncé

Cependant, les attaques continuent. Une lettre anonyme dénonce l’archevêque de Sienne et Galilée : le second à excité le premier par ses discours et il répand l’idée que Galilée a été condamné injustement. La lettre est transmise au pape qui y voit une désobéissance formelle de Galilée. Il lui avait fait dire par Nicolini de ne pas se livrer à trop de conversations. Il cesse donc d’adoucir ses conditions de détention. Ladislas IV(26) intervient par lettre, le comte de Noailles(27) a une entrevue avec le pape qui l’assure de sa bienveillance et de son amitié pour Galilée, mais s’étonne de sa désobéissance (décembre 1634). Cependant Galilée est malade. Dans une lettre de décembre 1638, il écrit qu’il est aveugle depuis un mois. Le 13 février, son état est confirmé par l’inquisiteur de Florence qui lui a rendu visite. Galilée s’éteint le 8 janvier 1642(28).
De 1634 à 1642, Galilée est assigné à résidence, mais n’est pas isolé. Il écrit beaucoup de lettres et un livre : Dialogues sur les sciences nouvelles. De nombreux savants lui rendent visite et son élève Torricelli (inventeur du baromètre à mercure) vient se fixer près de lui afin qu’ils échangent plus facilement des idées. Durant cette période, entre autres, Galilée met au point la méthode permettant de « fixer la longitude d’un lieu », une découverte essentielle pour la navigation.

Jean Paul II n'a pas réhabilité galilée

Samedi, 31 octobre 1992, Jean-Paul II, devant la session plénière de l’Académie pontificale des sciences prononce un discours dans lequel il revient sur le « cas Galilée ». La presse mondiale s’en fait l’écho en titrant : Galilée réhabilité. Erreur ! Un discours du pape n’est pas la révision d’un procès d’Église. Même si Jean-Paul II cite le passage de la lettre à Castelli (lire plus haut), même s’il rend hommage au savant, même si il parle des « erreurs de l’Église », il ne remet pas pour autant en cause la décision du 22 juin 1633. Il n'y a effectivement pas de réhabilitation car il n'y a pas eu de révision du procès, contrairement, par exemple, à Jeanne d’Arc. En effet, les termes « révision » et « réhabilitation » ne peuvent juridiquement s'appliquer qu'à un procès qui a été « réouvert » (révisé) et s'est conclu par la « reconnaissance de l'innocence du condamné ». C'est ce que revendiquent certains militants du « scientisme ». En revanche Jean-Paul II citait dans son discours la commission présidée par le cardinal Paul Poupard qu'il avait chargé de «réexaminer sérieusement l’affaire Galilée et ôter les obstacles que ce cas posait à une confrontation sereine entre la science et la foi ». La commission a eu « le courage de reconnaître les erreurs des juges de Galilée qui, incapables de dissocier la foi d’une cosmologie millénaire, crurent incontestablement à tort que la révolution copernicienne, par ailleurs non encore définitivement prouvée, était de nature à ébranler la tradition catholique, et qu’il était de leur devoir d’en interdire l’enseignement ». On peut en effet parler ici d'une « réhabilitation morale » ; et non d'une réhabilitation juridique... Mais cette réhabilitation morale n'était-elle pas déjà acquise du fait que l'ensemble des écoles catholiques enseignent le système de Copernic et non celui de Ptolémée ?

Benoît XVI s’est penché sur le procès Galilée

Le successeur de Jean-Paul II semblait vouloir aller plus loin en 2009, Année mondiale de l'astronomie pour le 4e centenaire des premières observations de Galilée. Le 29 janvier, l’archevêque in partibus Gianfranco Ravasi, président du Conseil pontifical pour la culture, déclare : « Le temps est venu pour reconsidérer la figure de Galilée et l’affaire Galilée » en annonçant que le Vatican est « à l’origine de manifestations, d’initiatives et de projets qui ont comme objet l’astronomie et la figure de Galilée ». À Florence, du 26 au 30 mai, s’est tenu un congrès pour réétudier le cas Galilée d’un point de vue historique, philosophique et théologique, organisé par l’Institut Stensen des Jésuites, avec l’appui du Conseil pontifical pour la culture, de l’Académie des sciences et de l’Observatoire du Vatican (confié à la Compagnie de Jésus depuis le début du XXe siècle).
Le 2 juillet, les Archives secrètes du Vatican ont publié une nouvelle édition complétée, avec vingt nouveaux écrits et des actes retrouvés depuis l’édition de 1984, et les reproductions des actes du procès. Sergio Pagano, official depuis 1978 et préfet depuis 1997, a précisé : « Le cas Galilée enseigne à la science de ne pas prétendre enseigner l'Église en matière de foi et d'Ecriture Sainte, et il enseigne en même temps à l'Église de s'approcher des problèmes scientifiques fussent-ils liés à la plus moderne recherche sur les cellules souches, par exemple - avec une grande humilité et circonspection. » (…) Il est clair que les maux commencent par le Dialogue qui le dénonce. Il y propose la doctrine de Copernic. Et il touche des sujets politiques. Il passe outre alors la consigne qui lui avait été faite. Il semble vouloir enseigner aux théologiens à lire la Bible. Dans mon introduction, je dis : « Galilée ne connaissait pas la curie (...) quand on se confronte à l'Ecriture sainte, il faut être attentif à ne pas faire l'erreur qu'il a faite » (28). Ce qui laisse entendre qu’une réelle réhabilitation juridique n’est pas acquise.
Cependant, le Vatican a fait de Galilée le héros de l’Année internationale de l’astronomie en l’honorant comme un « génial précurseur », ce que d’ailleurs n’aurait probablement pas désapprouvé Urbain VIII qui, moins d’un mois après le procès, déclarait à Nicolini : « Il faut faire les choses petit à petit, et le réhabiliter peu à peu. ». Lire aussi l'article consacré aux affaires Giordano Bruno et Galilée





0 - Clemens Büscher, d'après J. Subtermans - 1818- source B. N. F.
(1) Ostilio Ricci (1540 - 1603), mathématicien et architecte italien, professeur à l'Accademia del Disegno, école d'arts et techniques fondée en 1560 par le peintre Giorgio Vasari.
(2) Apparition, le 9 octobre de la supernova SN 1604 (dite étoile ou supernova de Kepler) dans la constellation d'Ophiuchus, observée entre autres par Johannes Kepler (17 octobre) qui en fait un compte-rendu extrêmement détaillé.
(3) Système de Ptolémée.
(4) Nicolas Krebs (1401 - 11 août 1464) : appelé Nicolas de Cues, évêque de Brixen, fait cardinal par Nicolas V (1457-1455), nommé vicaire général de Rome par Pie II (1458-1464).
(5) Terra qusæ centrum esse nequit, motuomni carere non potest.
(6) De Revolutionibus Orbium Coelestium
(7) Les planètes décrivent des trajectoires elliptiques dont le soleil est un foyer. Le mouvement de chaque planète est tel que le segment de droite reliant le soleil et la planète balaie des aires égales pendant des durées égales
(8) Outre ses activités d'astronome, Nicolas Copernic est un chanoine polonais
(9) Quod Caelum stet, terra moveatur ; vel de perenni motu terra Comentatio.
(10) Fondée à Rome en 1603, par Federico Cesi, pour l'étude des sciences naturelles, des mathématiques et de la philosophie. Sa première règle « le respect de la loi de Dieu et les pratiques religieuses » (in La question de Galilée (*))
(11) Le seul point –secondaire – contesté (par le père Clavius) est la densité de la lune.
(12) Théologien, auteur de Commentaires sur Job, Tolède 1584.
(13) Histoires et démonstrations autour des taches solaires et leurs accidents.
(14) Interprétation figurée d'un fait ou d'un texte des Saintes Écritures, le passage d'un sens naturel et littéral à un sens spirituel et mystique : par exemple, les biens temporels promis aux observateurs de la Loi sont, dans le sens anagogique, l'emblème des biens éternels réservés dans la vie future aux hommes vertueux. Du latin ecclésiastique anagogicus, du grec anagôgikôs, en un sens spirituel (Larousse).
(15) Expert donnant un avis sur l’orthodoxie d’un texte.
(16) Permet de décrire et de calculer correctement le mouvement visible des planètes, sans présumer de sa réalité physique.
(17) Le concile de Trente l’a réservée aux théologiens reconnus par l’Église.
(18) Permet de décrire et de calculer correctement le mouvement visible des planètes, sans présumer de sa réalité physique.
(19) Il Saggiatore, une réponse au livre aristotélicien du père Grassi Libra astronomica.
(20) Théologien expert auprès du Saint-Office.
(21) Nom donné à l’époque au palais du Saint-Office.
(22) Et non directement au Saint-Office, probablement par égard pour Galilée et son protecteur, le duc de Toscane.
(23) Il le sera quelques jours pendant les débats du procès dans l’appartement du procureur fiscal du Saint-Office et non dans une geôle.
(24) À Rome, la lecture de la sentence précédait l’abjuration. Partout ailleurs c’était l’inverse.
(25) C’est l’interprétation que donna Urbain VIII de l’interdiction de recevoir des visites.
(26) Roi de Pologne (1632-1648).
(27) Ambassadeur de France auprès du Saint-Siège.
(28) Inhumé dans le caveau familial de l'église Santa Croce de Florence. E1734 fut autorisée la réalisation d'un monument funéraire selon les plans établis par Viviani qui avait légué les fonds nécessaires et souhaitait être enterré aux côtés de son maître.
Bibliohraphie
* Henri de L’Épinois, La Question de Galilée : les faits et leurs conséquences, Société générale de librairie catholique, Paris et Bruxelles, 1878. Cet auteur a publié également l’ensemble des pièces du procès de GaliléeLire sur le site de la B. n. F.
** Abbé Rohrbacher, Histoire universelle de l’Église catholique, Paris, 1857, éditeur : Gaume Frères et J. Duprey, Paris.Lire sur le site de la B. n. F.

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