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Les textes et illustrations contenues sur ce site sont protégés par les lois sur le droit d'auteur (sauf indication contraire). Pour citer cet article : Jean-Luc caradeau, www.caradeau.fr, 2016 - Grégoire VII 156e pape : finalise la réforme Grégorienne -Grégoire VII finalise la réforme voulu par ses prédécesseurs, c'est l'évênement le plus important du Moyen-âge... Article publié sous le pseudonyme d’Yves Leclerc dans le n°9 de Histoire des papes et des saints – juin-juillet-aout 2010. Revu et complété avant publication sur ce site.
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Grégoire VII 156e pape : finalise la réforme Grégorienne


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«  Si quelqu'un reçoit désormais un évêché ou une abbaye de la main de quelque personne laïque, il ne sera nullement compté parmi les évêques et les abbés, et on ne lui accordera aucune audience comme tel… » Pape grégoire VII, décision prise au sinode de Rome en 1076.

L'empereur devant Grégoire VII
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Le futur empereur Frédéric IV reçu à Canossa par le pape Grégoire VII (1077)(0)


Le pape Grégoire VII avec sa réforme grégorienne provoque un conflit entre les souverains et Rome qui ne s’éteindra, en France, qu’avec la séparation des Églises et de l’État

Le projet de Grégoire VII (1073-1085) d’un Empire théocratique européen, dont l’empereur serait le pape, est un échec. Mais la réforme mise en place pour le réaliser sera l’événement historique le plus important du Moyen Âge.


Le moine toscan contre l’empereur germanique

En devenant Grégoire VII, le cardinal Hildebrand met en application la réforme qui portera son nom. Il tente d’imposer dans toute l’Europe chrétienne un Empire théocratique qui, régi par le droit canon, serait libéré du droit féodal. L’empereur (qui serait le pape) échapperait aux obligations du suzerain et aurait, en droit, une souveraineté absolue sur l’Église et une autorité tout aussi absolue sur les souverains.
Cela ne sera en réalité jamais accepté ni par les souverains, ni par l’ensemble de l’Église, et restera une fiction juridique, même si certaines des dispositions canoniques qui le mirent en place joueront du vivant de Grégoire VII et par la suite un rôle important dans l’histoire.
D’ailleurs, ce pape, tout comme la réforme qui porte son nom, s’ils font l’unanimité (chez les auteurs catholiques) aujourd’hui, furent très contestés dans le passé.

L’éminence grise de quatre papes

Né en Toscane vers 1020, Hildebrand est élevé à Rome au couvent Sainte-Marie sur l'Aventin et au palais du Latran, alors la résidence des papes. Chapelain de Grégoire VI (1045-1046), puis moine clunisien(1), il est appelé à Rome par Léon IX (1049-1054) comme conseiller, légat et trésorier de l'Église. Il reste en place sous Victor II (1055-1057), Nicolas II (1058-1061) et Alexandre II (1061-1073) devenant ainsi la véritable éminence grise du Saint-Siège.
À la mort de Léon IX, c’est lui qui est chargé par le Sacré Collège d’aller négocier avec l’empereur un successeur. Sous Victor II, lors d’un concile qu’il préside dans la région lyonnaise un évêque accusé de Simonie devient soudain incapable de dire « Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit. » Un miracle, tout à fait dans le style de ceux que rapporte l’hagiographie de saint Léon IX qui bénéficie d’un large retentissement*** et, à la mort d’Alexandre II, la réputation de sainteté du cardinal Hildebrand est bien établie à Rome.

Élu par acclamation du peuple

Les canons promulgués par son prédécesseur stipulent que seuls les cardinaux évêques choisissent le pape. Leur choix est ensuite approuvé par les autres cardinaux, puis par le clergé romain, puis enfin par le peuple. Cette procédure étant évidemment destinée à empêcher toute intervention de la noblesse romaine dans l’élection.
Cependant, lors des obsèques d’Alexandre II, un cri s’élève de la foule « Hildebrand pape » Vox populi, vox Dei ! Les cardinaux appliquent le vieil adage romain et se contentent d’approuver le choix du peuple. La majorité des auteurs affirment la canonicité de cette élection, mais plus d’un canoniste au cours de l’histoire a exprimé des doutes. Nous nous devions de signaler ce point de procédure, bien qu’il soit de peu d’importance. Pour les cardinaux évêques, son élection était le choix logique et, selon nous, seul un refus formel d’Hildebrand aurait pu les orienter vers un autre candidat.

Son élection fut-elle approuvée par le roi des Romains ?

Selon certains historiens*, il ne demande pas cette approbation (c’est le point de vue de la logique). Selon d’autres**, il la demande et l’obtient(2). Son sacre est repoussé à la fête de Saint Pierre et Paul par « déférence pour eux »* pour laisser le temps aux ambassadeurs impériaux de lui apporter l’approbation de Henri IV (1054-1105)(3). Nous en concluons que les sources utilisées se contredisent et qu’on ne peut rien affirmer. En revanche, le fait que de nombreux auteurs affirment que cette approbation est incertaine, montre leur gêne face à la procédure exceptionnelle de l’élection de Grégoire VII, tant sur le plan du droit canon que sur celui du droit médiéval. L’approbation de l’empereur (du futur empereur) établirait incontestablement la légitimité de l’élection.

La réforme grégorienne

Le pontificat de Grégoire VII est entièrement dédié à la mise en application de la réforme. Celle-ci est l’aboutissement d’un long processus né un siècle plus tôt dans le milieu aristocratique et dans celui des monastères clunisiens. Ces idées réformatrices, en particulier celle de « liberté de l’Église », se sont répandues par la suite dans de nombreux monastères qui, sans être clunisiens, subissent l’influence de cet ordre. On en voit poindre l’influence dès le synode de Pavie (1022) coprésidé par l’empereur Henri II (1002-1024) et par le pape Benoît VIII (lire l’article sur Benoît VIII dans le n° 4). L’empereur Henri III (1046-1056), en nommant trois papes allemands, tous moines et issus de ce milieu réformateur, a largement contribué à la mise en place de la réforme. Ces trois papes sont en effet venus à Rome avec les conseillers qu’ils avaient choisis dans les monastères allemands, ou se sont appuyés sur ceux déjà installés par leurs prédécesseurs. Enfin, Léon IX a clairement engagé l’Église dans cette voie réformatrice. Son plus proche collaborateur, le cardinal Humbert, est en effet l’un des théoriciens les plus exigeants de cette réforme.
Les nouveautés juridiques
Depuis Constantin Ier, le pape est un sujet de l’empereur. Depuis Charlemagne, qui lui a octroyé des « États », il en est le vassal.
Son élection est donc soumise à l’approbation de l’empereur, puisque c’est en son nom qu’il administre les États de l’Église, qui sont terres impériales. Les évêques locaux sont, vis-à-vis des souverains, dans la même position : à leur charge épiscopale est attaché un rang de comte, voire de duc ou de prince, qui en fait des vassaux du roi.
Jusqu’à la réforme grégorienne, qui est considérée comme l’événement historique le plus important du Moyen Âge, un prélat est élu par le clergé et le peuple, puis cette élection est ou non approuvée par le souverain.
C’est cette approbation qui fait la légitimité de l’évêque ou du pape et non son élection. Ainsi, jusqu’à l’élection de Nicolas II, tous les antipapes sont des pontifes dont l’élection n’a pas été approuvée par l’empereur, et ce dernier peut réunir un synode et destituer le pape. Le « coup d’État juridique » de Nicolas II (lire l’article trautant de son pontificat) inverse la situation : c’est maintenant le pape qui peut réunir un synode pour destituer l’empereur. La réforme ne modifie donc pas le droit médiéval, elle en change simplement la tête. Désormais, l’élection d’un évêque ou d’un abbé ne sera plus canoniquement validée par le souverain local, mais par le pape qui, lui-même, tient sa légitimité de sa seule élection. C’est d’ailleurs le seul moyen pour assurer ce que les réformateurs appellent « la liberté de l’Église ». Elle se traduit par quatre objectifs principaux.
  1. « La dignité et l'indépendance de l'épiscopat » : les évêques, les abbés, le clergé en général, sont dégagés des obligations de vassalité attachées aux fiefs qu’ils détiennent (plus de 50% du royaume de France à l’époque). Le moyen en est d’empêcher les laïques d’intervenir dans leur investiture.
  2. Imposer ces règles à l’ensemble de la société permet à l’Église de « contrôler toutes les activités humaines »**.
  3. Faire reconnaître à tous, y compris aux souverains, le pouvoir régalien que le droit canon confère désormais au pape, à qui la réforme donne juridiquement le pouvoir de destituer rois et empereurs.
  4. Établir un centralisme pyramidal de l’Eglise et renforcer de l’autorité du Saint-Siège sur les églises locales.

Le clergé et les souverains refusent la réforme

Jamais acceptée, ni par l’ensemble de l’Église ni par les pouvoirs séculiers, la réforme grégorienne entraîne un conflit dans le monde catholique qui ne s’éteindra, par exemple en France, qu’avec la séparation de l’Église et de l’État. Beaucoup de successeurs de Grégoire VII seront contraints de prendre des mesures allant en sens contraire (par exemple le concordat ratifié avec François Ier – lire l’article traitant des rapports de François Ier avec la papauté – En effet, la superficie des terres attachées en fief aux évêchés, aux monastères, aux cures mêmes, est partout très importante et le droit canon prive désormais les souverains de tout contrôle sur l’administration de ces terres. Par ailleurs, une grande partie du clergé séculier voit dans cette réforme d’inspiration monacale une atteinte à sa « vie privée » et aux droits du souverain. C’est pourquoi on peut dire que l’opposition entre gallicans et ultramontains (l’une des grandes affaires du XIXe siècle), tout comme la querelle des investitures (1075-1112) et l’opposition entre les Guelfes et les Gibelins (de 1138 jusqu’au XVIe siècle) sont des conséquences directes de cette réforme.

Unité de langue (le latin) et de rite (romain)

La mise en application de la réforme exige l’unité de langue (le latin) de rite (le rite romain) et de dogme dans toute l’Église catholique. Ainsi Grégoire VII, en 1079, refuse aux catholiques de Bohême l’autorisation de célébrer la messe en langue slavone. Il envoie aussi le cardinal Hugues le Blanc en Espagne pour « corriger les erreurs des chrétiens du pays », ce qui consiste à imposer le rite romain en place du rite mozarabe pratiqué jusqu’alors en ce pays. Elle exige aussi la réforme des mœurs du clergé en particulier elle lutte contre la simonie (vente ou achat des charges ecclésiastiques) et le nicolaïsme (le mariage des prêtres et plus généralement la « fornicatio clericorum »), elle interdit aux clercs de participer aux guerres séculières.
La mise en application de ces mesures implique l’intervention directe du Saint-Siège hors des États pontificaux par l’organisation de synodes présidés par un légat qui procède à la destitution et à l’excommunication des évêques et abbés condamnés pour ces faits. Du point de vue du droit civil médiéval le pape se proclame surerain de tous les royaumes chrétiens car seul un suzerain peut disposer d'un tel droit d'ingérence.
De plus, le pape veut soumettre les souverains par la crainte de l’excommunication. Le premier à subir cette mesure sera le futur empereur Henri IV. Enfin, Grégoire VII procède à la diabolisation des opposants : ceux qui sont, peu ou prou, contre cette réforme sont déclarés ennemis de l’Église.

Excommunié, Henri IV fait élire un antipape

La vigoureuse interdiction promulguée par le pape des investitures laïques ne fait pas l’affaire du roi Henri IV qui n’en tient aucun compte. Grégoire VII le rappelle à l’ordre (en renouvelant cette interdiction) au printemps 1075. La réaction du roi ne se fait pas attendre. Il réunit à Worms vingt-quatre évêques allemands et deux italiens opposés au programme romain qui, en janvier 1076, déclarent le pontife coupable de divers crimes et irrégulièrement élu. Il adresse ensuite une lettre ouverte à « l’évêque Hildebrand », par laquelle il lui enjoint d’abandonner le siège pontifical (il ne le dépose pas car ce serait reconnaître la régularité de son élection(4)). Grégoire VII riposte en réunissant à Rome un synode qui excommunie le roi de Germanie, lui interdit d’exercer tout pouvoir et délie ses sujets de leur serment de fidélité… Ce qui revient à le déposer. Au cours du même synode, le pape annule en ces termes les nominations faites par l’empereur ou quelque autre souverain : « Si quelqu'un reçoit désormais un évêché ou une abbaye de la main de quelque personne laïque, il ne sera nullement compté parmi les évêques et les abbés, et on ne lui accordera aucune audience comme tel… ».
Il est important de noter que la grande majorité des souverains ne tient aucun compte de cette « interdiction des investitures laïques ». Le pape a deux bonnes raisons politiques de s’attaquer en priorité à l’Empire. D’abord, le clergé italien est un clergé d’Empire et Grégoire VII veut absolument le contrôler. Ensuite, l’empereur est le souverain catholique le plus puissant. Le contraindre à se plier à la volonté du pape, c’est, à terme, obtenir l’obéissance de tous les autres. Il a aussi une raison stratégique : le trône allemand est fragile (parce qu’électif) et convoité par des dynasties rivales de celles des Francs Saliens. Poussés par ces dernières et par les prélats réformateurs, les princes électeurs donnent à Henri IV un an pour se réconcilier avec le Saint-Siège, faute de quoi, ils réuniront une diète à laquelle le pape assistera en tant qu’arbitre.
Cet ultimatum produit évidemment son effet et, dès janvier 1077, Henri IV est à Canossa où séjourne le pape (5) pour se repentir et solliciter sa réconciliation avec l’Église. Le pape a gagné. Il impose une pénitence à Henri IV et l’invite à se réconcilier avec les princes d’Allemagne. Cela n’est pas si facile. Une faction a déjà choisi un successeur à Henri : Rodolphe de Souabe(6). La guerre civile éclate dans l’Empire germanique. Pour le pape, la seule attitude possible est la neutralité. Rodolphe de Souabe a le soutien d’une partie de la noblesse, Henri IV celui du peuple. Cependant, le sort des armes est favorable à Rodolphe. En 1080, Henri IV, qui vient de perdre plusieurs batailles, presse le pape de se prononcer en sa faveur et de rétablir son autorité sur le clergé de l’Empire. En réponse, le pape l’excommunie, le dépose à nouveau et reconnaît Rodolphe comme roi des Romains en juin 1080.

L’antipape remet la couronne impériale au roi des Romains

Henri riposte en déposant une seconde fois le pape et en faisant élire à sa place l’archevêque de Ravenne(7) qui prend le nom de Clément III. En octobre, les armées s’affrontent à nouveau. Henri est défait sur le terrain, mais Rodolphe est gravement blessé au ventre et perd la main droite, celle du serment(8). Il meurt quelques jours après de ses blessures. La défaite se transforme pour Henri IV en une victoire définitive. En 1081, ce dernier entre en Italie, bat les armées de la comtesse Mathilde de Canossa et pénètre dans Rome en 1083. Il occupe totalement la ville en 1084. Grégoire VII, abandonné par treize de ses cardinaux, s’enferme au château Saint Ange. Clément III est intronisé le 24 mars 1084 à la basilique du Latran. Il couronne Henri IV empereur à Saint-Pierre le 31 mars.

Un nouveau schisme

En mai 1084, Robert Guiscard (v. 1015-1085) entre dans Rome, avec les troupes normandes assistées de nombreux mercenaires musulmans (9). Il chasse les troupes impériales et libère Grégoire VII. Ses troupes profitent de l’occasion pour piller la ville. La population de Rome se révolte contre Grégoire VII qu’elle tient pour responsable des exactions de ses alliés. Ce dernier se retire à Salerne où il meurt le 25 mai 1085. L’Église est victime d’un nouveau schism e qui durera jusqu’en 1111 quand Sylvestre IV (1105-1111) renoncera officiellement au siège pontifical sur ordre de Henri V qui l’avait utilisé pour faire pression sur le pape Pascal II (1099-1118).

Un nouveau schisme

En dehors de Robert Guiscard et de la Comtesse Mathilde, qui n’ ont pas le pouvoir d’accorder des investitures ecclésiastiques, le pape a des alliés en la personne de Guillaume le Conquérant (1066-1087) qui soutient la réforme avec l’aide de l'archevêque de Cantorbéry, Lanfranc, et du roi Sanche Ier d’Aragon (1063-1094). Leur soutien n’ira cependant pas jusqu’à respecter son interdiction des investitures laïques ! Il en est de même du roi de France Philippe Ier qui maintient une prudente neutralité.

Séparation des pouvoirs spirituels et temporels

Les historiens reconnaissent que l’objectif d’assainissement des mœurs du clergé fut un succès à court terme, mais un échec à long terme. L’Église finit par imposer l’investiture des prélats par le pape, mais au prix d’une importante concession : la distinction entre le pouvoir spirituel octroyé par le pape et le pouvoir temporel octroyé par le souverain. Comme ces deux pouvoirs sont à l’époque et pour longtemps encore intimement liés, on peut considérer que les accords passés avec le royaume de France sous Urbain II (1088-1099), l’Angleterre sous Pascal II, puis l’Empire (concordat de Worms, le 23 septembre 1022) ne changèrent pas fondamentalement (comme le voulait Grégoire VII) les conditions d’accès à l’épiscopat. En effet aucun de ces accords n’obtint des souverains qu’ils renoncent à leur droit d’agréer (ou non) les nouveaux élus ni à celui de procéder à des investitures temporaires (pro temporibus).
Quant à l’objectif fondamental d’une théocratie chrétienne, il est pratiquement atteint sur le plan moral au moment de la première croisade (même si subsiste le conflit des investitures), mais il est réduit à néant par la croisade contre les Albigeois, qui suscitera la méfiance à l’égard du Saint-Siège de tous les souverains d’Europe (lire les articles sur cette « croisade » et sur la naissance de l’inquisition). La conséquence en sera la séparation progressive mais inéluctable entre les pouvoirs temporels et la papauté. La réforme donne en effet au pape le « pouvoir juridique suprême » mais n'inverse pas pour autant les rapports de forces militaires et économiques...
A contrario, la restructuration de l’Église en un « État pyramidal » placé sous l’autorité de l’administration romaine ainsi que l’unification et la clarification des dogmes est le seul et durable succès de cette réforme.

Une béatification et une canonisation tardives

Lors de son élection, ou plutôt de son plébiscite, car c’est bien ainsi qu’il est devenu pape, Hildebrand est déjà considéré par le peuple de Rome comme un saint. Pierre Damien l’avait surnommé, à cause de son intransigeance, « mon saint Satan », et cela semble assez bien refléter l’image que se firent ses contemporains de Grégoire VII. Il est aujourd’hui incontesté mais, à sa mort, il est détesté par beaucoup de prélats, par les Romains (qui ont payé sa liberté du sac de la ville) et par la plupart des souverains d’Europe qui, tous, refusent son interdiction des « investitures laïques ». Il ne bénéficie donc pas d’une canonisation rapide comme celle qui fut accordée à Léon IX (1049-1054). C’est seulement en 1583 que Grégoire XIII (1572-1585) ose le béatifier et il est canonisé par Paul V (1605-1621) en 1606. Cela n’éteint pas pour autant les critiques…

Contesté pendant sept siècles

En fait, malgré sa canonisation, Grégoire VII est toujours contesté par de nombreux prélats allemands et par des prélats français qui voient en lui le « pourfendeur des libertés gallicanes ». Ces critiques ont été résumées par Charles Louis Lesur et Claude François André d'Arbelles dans leur ouvrage (paru en 1810) Tableau historique de la politique de la Cour de Rome****. Ils lui reprochent sa politique espagnole : le pape a écrit en réclamant un tribut au roi d’Espagne « qu'il aimait mieux que l'Espagne demeurât aux infidèles, que d’être occupée par des chrétiens qui n’en fissent pas hommage au Saint-Siège » (Histoire ecclésiastique de M. Fleury, 1758). Ils lui reprochent aussi sa politique russe (il veut démettre le roi au profit du fils de celui-ci) et les tributs qu’il prétend exiger de la France, de l’Angleterre et d’autres royaumes…
En un mot ces auteurs contestent le principe même de la théocratie chrétienne voulue par les réformateurs.
Quant à Bossuet, dans Défense de la déclaration du clergé de France touchant la puissance ecclésiastique******, il écrit à propos de la déposition d’Henri IV : « …je soutiens […] que le pape n'avait pas plus de droit de déposer l'empereur, que l'empereur en avait eu de déposer le pape […] & que l'entreprise de Grégoire est tout à la fois nouvelle & d'un exemple pernicieux ». Cette opinion de Bossuet reflète celle de la majorité des souverains du XIe au XVIIIe siècle.
Il en résulte que l’autorité des papes sur les souverains resta une fiction politique quand elle n’était pas soutenue par des intérêts particuliers.
Le pape et l’antipape s’excommunient mutuellement
Evêque de Parme, Pierre Cadalus est un partisan modéré de la réforme et il reste fidèle à l’empereur. En 1061, des messagers impériaux lui proposent le Saint-Siège car la cour d’Allemagne, la noblesse romaine, les évêques allemands et lombards considèrent que l’élection d’Alexandre II n’est pas canonique. Ils se réunissent donc à Bâle et l’élisent sous le nom d’Honorius II (lire encadré ci-contre). S’ensuivent deux expéditions armées contre Rome qui permettent à cet antipape d’entrer au château Saint-Ange, mais non d’atteindre la chaire de Saint Pierre. En fait, les intérêts des divers groupes qui ont élu Honorius II sont trop divergents pour qu’ils puissent lui apporter un soutien efficace. Le pape et l’antipape s’excommunient mutuellement, avant que Godefroid de Lorraine, entrant dans la ville avec des forces supérieures, ne les persuade de se retirer dans leur diocèse pour attendre la décision d’Anno, qui a succédé comme régent à l’impératrice Agnès à la suite d’un coup d’État. Honorius II est officiellement destitué au synode de Mantoue en 1064.






(0) Source : Par Norbert Staudt Staudt (Travail personnel by Norbert Staudt) [Public domain], via Wikimedia Commons;
(0a) Source : Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=1166091
(0b) Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/6/61/B_Nikolaus_II2.jpg?uselang=fr;Par User Aljodasch on en.wikipedia
(0c) Source : Inconnu, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=1032447
(1) Marcel Pacaut** précise qu’il ne séjourna pas à Cluny mais fit probablement profession à Sainte-Marie sur l’Aventin, monastère qui observait les « coutumes clunisiennes », car « aucun document sérieux » n’atteste de son passage à Cluny... Donc finalement on ne sait rien... Il est tout autant abusif d'écrire qu'il séjourna à Cluny que de le nier formellement comme le fait cet auteur.
(2) ) L’abbé Rohrbacher*** cite à ce propos plusieurs lettres du pape, mais les historiens modernes sont en désaccord sur leur authenticité. La critique contemporaine a établi que les clercs du Moyen Âge ont réalisé de nombreux faux pour ce qu’ils considéraient « l’intérêt de l’Église ».
(3) Henri IV n’est alors que « roi des Romains ». C’est le titre du roi de Germanie. Qui ne devient empereur qu’après avoir été couronné par le pape.
(4) L’argument de l’irrégularité de l’élection semble démontrer que celle-ci n’a pas été approuvée par le roi.
(5) Chez la comtesse Mathilde de Toscane, une de ses plus puissantes alliées, épouse de Geoffroy le Bossu (alias « le Barbu » ou « le Hardi »…), qui sont de fervents réformateurs – lire les L’articles traitant de Léon IX et celui traitant des pontificats de Victor II, Étienne IX, .Nicolas II et Alexandre II
(6) Né vers 1025, il profite, en 1057, de la minorité de Henri IV pour enlever sa sœur Mathilde de Franconie qu’il a demandé en mariage et l’épouse en 1059. Il obtient à cette occasion le duché de Souabe et le gouvernement de la Bourgogne. Lors de l'excommunication de Henri IV, Rodolphe entre en relation avec des princes électeurs pour être roi des Romains. Il est couronné en mai 1077 à Mayence.
(7) Guibert, légat impérial pour l’Italie de 1058 à 1063, excommunié par Grégoire VII en 1076 pour avoir participé au synode de Worms. Nommé archevêque de Ravenne par Henri IV en 1056.
(8) Pour les hommes de l’époque c’est un jugement de Dieu. Il a trahi le serment de fidélité prêté à Henri IV et celui d’obéissance à l’Église prêté aux princes, car durant la guerre civile il a accordé de nombreuses investitures ecclésiastiques pour obtenir les soutiens dont il avait besoin. Il est donc doublement parjure.
(9) Il a prêté serment de fidélité au Saint-Siège (lire l’article traitant du pontificat de Nicolas II). Les Mercenaires musulmans sont indispensables car les Normands sont trop peu nombreux pour affronter l’armée impériale. Ils lui sont fournis par son frère Roger Guiscard (1031-1101) qui tient la Sicile.

Bibliographie
* J. N. D. Kelly, Dictionnaire des papes, Brepols, 1994.l'acheter sur Amazon
** Dictionnaire historique de la papauté, Fayard, 2003. L'acheter sur Amazon
*** Abbé Rohrbacher (1789-1856) : Histoire universelle de l'Église catholique. T. 7 p. 500, 608... 80xx.. et suivantes par Rohrbacher; continuée jusqu'à nos jours par M. l'abbé Guillaume,... ; nouv. éd. par monseigneur Fèvre, Letouzey et Ané, Paris (BnF, XIXe siècle). Lire sur le site de la B. N. F.
**** Tableau historique de la politique de la cour de Rome depuis l’origine de sa puissance temporelle jusqu’à nos jours, Charles Louis Lesur et Claude François André d’Arbelle, chez A.Galland Libraire, Paris, 1810. Lire sur le site de la B. N. F.
***** Conflits sud-italiens et royaume normand (1016-1198), Michel Grenon, L’Harmatan, 2008.
****** Défense de la déclaration du clergé de France touchant la puissance ecclésiastique, Amsterdam, 1745. Lire à partir de la page 145 Lire sur le site de la B. N. F.







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