L’Église Gerbert et l’astrologie
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« ; Qui oserait prétendre qu'un médecin en montrant la carte du ciel pour pronostiquer de l'issue d'une maladie fait autre chose que son travail ! »
Thomas d’Aquin, dans Somme théologique (XIIIe siècle)
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Les rapports difficiles de l'Église avec l’astrologie ou plutôt « l'astrologie astronomie », car les deux forment une seule discipline jusqu’au XVII siècle, commencent bien avant le christianisme. Déjà, durant le siècle de Périclès (-49S/-429) le général athénien Diopeithès avait interdit, comme impie, l'enseignement de l’astronomie.
L’étude de l’astrologie fut interdite aux clercs au concile de Laodicée (IVe siècle). Puis au V' siècle, « l’empereur Théodose et le pape Honorius contraignirent les astrologues considérés comme hérétiques à brûler leurs livres ». C’est du moins ce qu’ont écrit plusieurs historiens de l’astrologie. En fait, il n’y eut jamais de pape Honorius sous Théodose II (408-450), et ces auteurs ont dû confondre « les astrologues » et leurs livres avec les persécutions contre les païens.
sphère armillaire - source
armi
Zacharie (741-752) dévoila la racine du problème. Ce pape voua à l’anathème tous ceux qui « parleraient des antipodes »1. L'Église voulait bien de l'astronomie, mais elle ne voulait pas que celle-ci contredise les Écritures. Quant à l’astrologie, elle en condamnait les applications divinatoires et les liens avec la magie. D'après Jacques Halbronn et Serge Hutin, (in Histoire de l'astrologie, éd. Artefact. 1986), au concile de Tolède (400), cette sentence fut adoptée : « Si quelqu'un croit devoir ajouter foi à la divination ou à l'astrologie, qu’il soit anathème », mais ce concile était réuni pour condamner les priscillianistes2. Le concile de Braga (v. 561), à propos de la même hérésie, proclame ce canon : « Si quelqu’un croit, avec les païens et Pris-cillien, que l’âme et le corps sont fatalement assujettis au cours des astres, qu’il soit anathème. » Ces condamnations visent, comme le montrent d'autres canons du concile, « la négation du libre arbitre » qu'impliquent certaines conceptions de la pratique divinatoire. D'ailleurs, les astrologues du Moyen Âge, et même de la Renaissance, ne furent, dans l’ensemble, pas inquiétés.
Quoi qu'il en soit, ces interdictions de l’astrologie-astronomie n'étaient pas réalistes. L’astrologie-astronomie était profondément liée à la pratique de la médecine, de l'agronomie romaine et grecque et de la navigation (avec ou sans boussole, les marins se guident aux étoiles). Des condamnations furent prononcées, il y eut quelques répressions, comme sous Théodose3, mais nombre de moines, en particulier ceux qui pratiquaient la médecine ou l'agronomie (et ils étaient nombreux) continuèrent d’apprendre le calcul astronomique avec I’Almageste de Ptolémée (v. 140), et l’interprétation avec Les Astrologiques de Marcus Manilius (Ier siècle). D’ailleurs, à propos de cet art, saint Thomas d’Aquin, dans sa Somme théologique (XIII' siècle), s'exclame : « Qui oserait prétendre qu'un médecin en montrant la carte du ciel pour pronostiquer de l'issue d'une maladie fait autre chose que son travail ! » Quant à Gerbert, la liste officielle de ses œuvres ne comprend pas de traité d’astrologie. Il l'a étudiée : outre le De Astrologie de Manilius, qu’il demande par lettre1 à Rainart, moine de Bobbio, de faire copier (août- septembre 988), il cite, dans une lettre4 à Adalbéron (8 juin 983) les « huit volumes de l'Astrologie de Boèce » (Institutio astronomica 5 , v. 505). Gerbert écrivit en revanche un traité sur la construction des sphères (De sphaerae constructione) que certains ont pu considérer comme un traité d'astrologie, les sphères servant à visualiser les mouvements célestes. Par ailleurs, le duc de Caraman, dans son Histoire des révolutions de la philosophie en France (1845-1848), écrit dans une note, à propos du Traité de l'abaque : « Ce traité d’arithmétique suivant les uns, d'astrologie suivant les autres, eut de la célébrité... » 6.
Néanmoins, il existe peut-être un traité d’astrologie signé Gerbert d'Aurillac ; tout comme il existe un Grimoire du pape Honorius... que ce pape n'a jamais écrit. À l'inverse, Gerbert peut être l'auteur d'un traité d'astrologie et l'avoir signé d’un pseudonyme. C’est cependant peu probable : Gerbert a eu toute sa vie un emploi du temps très chargé. Il a écrit beaucoup de lettres, mais peu de livres.
- (1) L’anathème est souvent cité par les auteurs des XVIil et XIX' siècles, sans référence à un pape précis. L’attribution à Zacharie (par le baron Tschoudy) est probablement fausse car ce pontife était très instruit.
- (2) Les priscillianistes (disciples de l’évêque Priscillien, exécuté en 385) professaient trois principes : l’âme est créée par Dieu, le corps et la matière par le principe du Mal ; les étoiles et le zodiaque déterminent la destinée de l’âme ; les trois noms de la Sainte Trinité désignent une seule personne. Ils niaient totalement le libre arbitre.
- (3) La persécution des cultes païens et des écoles de philosophie par Théodose toucha forcément un certain nombre d’astrologues, mais de nombreux ouvrages d’astrologie parurent sous son règne. Selon Wilhelm Knappich (in Histoire de l'astrologie, éd. Philippe Lebeau, 1986), l’interdiction de l’astrologie fut inscrite au code théodosien. De fait, les interdictions de Théodose concernaient l'ensemble des procédés divinatoires.
- (4) in Lettres de Gerbert (983-997), éditées par julien Havet (1889).
- (5) D’après les commentaires que nous en avons lu, cet ouvrage traite uniquement des mouvements des astres.
- (6) Dans ce traité, il n’est cependant question que d’effectuer avec l’abaque des opérations arithmétiques.
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