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Monde occulte

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Les textes et illustrations contenues sur ce site sont protégés par les lois sur le droit d'auteur (sauf indication contraire). Pour citer cet article : Jean-Luc caradeau, www.caradeau.fr, 2016 - Saint Vincent de Paul, simple curé, esclave en barbarie, fondateur d'hôpitaux... -Biographie de Vincent de Paul, Article publié sous le pseudonyme d’Sylvie Moulin dans le n°5 de Histoire des papes et des saints – Août-septembre 2009sous le titre original :« La charité chrétienne passe à l’ère de l’action humanitaire »
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Saint Vincent de Paul, simple curé, esclave en barbarie, fondateur d'hôpitaux...


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Vincent de Paul capturé par les Turcs
Vincent de Paul capturé par les Turcs *


La charité chrétienne passe à l’ère de l’action humanitaire


Infatigable collecteur de fonds pour des œuvres les plus diverses, fondateur de nombreuses congrégations religieuses et d’associations laïques, d’hôpitaux, d’hospices, de foyers pour les personnes âgées ou les enfants, aumônier général militaire, aumônier des prisons, le futur saint Vincent de Paul (1581-1660) a fait passer, dès le XVIe siècle, la charité chrétienne à l’ère de l’action humanitaire.
Vincent naît le 24 avril 1581 dans un village appelé Le Pouy (Saint-Vincent-de-Paul depuis 1828, par Ordonnance royale de Charles X) près de Dax (Landes), alors que la chrétienté est déchirée par les guerres de religion1. Ses parents sont pauvres, il garde les bêtes. En 1588, son père le met en pension chez les cordeliers de Dax. Il se révèle un élève studieux et doué, au point qu’un avocat, monsieur de Commet, l’engage pour être le précepteur de ses enfants. Ensuite, Vincent va poursuivre ses études à Toulouse. Il est ordonné le 23 septembre 1600 mais, en étant de nouveau précepteur, il n’abandonne pas l’université et obtient le grade de bachelier en théologie.

Vendu comme esclave en Tunisie

En 1605, il doit se rendre à Marseille pour recueillir une succession 2. Cette affaire réglée, pour rentrer à Toulouse, un gentilhomme lui propose d’embarquer avec lui jusqu’à Narbonne. Au cours du voyage, le navire est capturé par des pirates barbaresques et Vincent est emmené à Tunis pour être vendu comme esclave.
Nous avons un récit détaillé par Vincent lui-même grâce à une lettre qu'il envoie à monsieur de Commet, retrouvée par un gentilhomme de Dax cinquante ans après avoir été écrite. Celui-ci en envoie une copie à Vincent, qui la brûle3, et lui répond pour le remercier et le prier de lui faire parvenir l’original. Ce que ce dernier se garde bien de faire. Vincent le lui réclame à nouveau six mois avant sa mort, avec un billet de son secrétaire expliquant qu’il ne faut envoyer cette pièce à personne d’autre, car si Vincent la veut, c’est pour la brûler comme il l’a fait de la copie. Finalement l’original est envoyé au supérieur du séminaire des Bons-Enfants à Paris. Voilà ce que nous conte le biographe de Vincent, Louis Abelly (S. Vincent de Paul, 1668)*, après avoir reproduit le récit de Vincent en entier. De cette étrange histoire, il résulte que l’épisode barbaresque de la vie de Vincent est suspect aux yeux de certains historiens.

Une lettre « suspecte » que Vincent voulait récupérer

« Je m'embarquai pour Narbonne pour être plus tôt à Toulouse [...]. Le vent nous fut [...] favorable [...] pour nous rendre ce jour-là à Narbonne [...], si DIEU n'eût permis que trois brigantins turcs, qui côtoyaient le golfe du Lion pour attraper les barques qui venaient de Beaucaire, où il y avait une foire [...] ne nous eussent donné la charge [...]. Deux ou trois des nôtres étant tués et tout le reste blessé [...] nous fûmes contraints de nous rendre à ces félons, [après avoir fait, pour se venger des pertes qu’ils avaient subies] hacher notre pilote en mille pièces, [...] ils nous enchaînèrent, [...] les pirates continuent leur course. Et enfin, chargés de marchandises, [...] ils prirent la route de Barbarie, [...] où, étant arrivés, ils nous exposèrent en vente, avec un procès verbal de notre capture, qu'ils disaient avoir faite dans un navire espagnol : parce que, sans ce mensonge, nous aurions été délivrés par le consul que le roi tient en ce lieu-là, pour rendre libre le commerce aux Français4... »
Les esclaves sont dépouillés de leurs vêtements, revêtus d’un caleçon, d’un hoqueton 5 de lin avec une bonnette, et promenés dans la ville de Tunis la chaîne au cou. Ils sont ramenés auprès du navire où on procède à la vente : « Les marchands nous vinrent visiter tout de même que l'on fait à l'achat d'un cheval ou d'un bœuf, nous faisant ouvrir la bouche pour voir nos dents, palpant nos côtés, sondant nos plaies, et nous faisant cheminer le pas, trotter et courir, puis lever des fardeaux, et puis lutter, pour voir la force d'un chacun, et mille autres brutalités. ». Vincent est vendu à un pêcheur, mais se révèle peu doué pour la marine. Le pêcheur le cède « à un vieillard, médecin spagirique6, souverain tireur de quintessences, homme fort humain et traitable, lequel, ce qu'il me disait, avait travaillé l'espace de cinquante ans à la recherche de la pierre philosophale. [...] Il m'aimait fort et se plaisait de me discourir de l'al chimie, et puis de sa loi, à laquelle il faisait tous ses efforts de m'attirer, me promettant force richesse et tout son savoir ». Vincent reste avec cet alchimiste d’août 1605 à septembre 1606. Celui-ci meurt. Son neveu vend Vincent à un Niçois renégat. Ce dernier a trois épouses dont deux chrétiennes orthodoxes et une Turque. Vincent convertit la Turque, qui ramène son époux au christianisme. Tous trois s’enfuient, se réfugient en France et le Niçois se serait fait moine (on ne sait pas ce que deviennent les épouses).
Ce récit est contesté, mais il est plausible : à l’époque, il y a de nombreux raid de Turcs du Maghreb près des côtes méditerranéennes françaises, à tel point qu’un port comme Saint-Tropez a un capitaine de ville chargé d’organiser la défense contre les barbaresques 7. Vincent n’est pas le seul de sa génération à avoir été capturé ainsi comme esclave et, même si les évasions sont rares, il n’est pas le seul à s’être échappé. Quant au repentir du renégat, qui peut paraître surprenant, c’est certes un fait rare, mais ce n’est pas unique. Ces aventures expliquent peut-être la faveur soudaine dont jouit Vincent, car elles font de lui une sorte de « miraculé ». À son arrivée, il se rend chez le vice-légat d’Avignon qui l’emmène à Rome où il l’héberge jusqu’en 1608, et lui fait rencontrer le cardinal Ossat. Ce dernier ayant un message qu’il juge trop important pour être transmis par lettre, utilise Vincent comme messager auprès du roi Henri IV à Paris.


Un million d’esclaves européens en Afrique du Nord
L’enlèvement d’Européens en Méditerranée existait depuis l’Empire romain. Déjà Jules César avait été attaqué par des pirates. Les bateaux étaient pillés, les hommes et les femmes capturés pour être vendus comme du bétail dans les États barbaresques (ils englobaient le Maroc, l’Algérie, la Tunisie et le nord-ouest de la Libye). Il y avait également des razzias dans les ports et à l’intérieur des terres (jusque dans les couvents où se réfugiaient de nombreuses femmes), en Italie, en Espagne et en France.
Le futur saint Vincent de Paul n’était pas un cas rare, on estime à un mil lion le nombre d’Euro péens enlevés aux XVIe et XVIIe siècles.
Vers 1630, il y avait sept mille esclaves chrétiens à Tunis (**). On y comptait 14 bagnes, une vingtaine à Alger (plutôt employés à filer et à faire du drap de coton pour les ha bits), cinq à Bizerte (avec de nombreux moulins à bras pour le café). Beaucoup étaient utilisés sur les galères pour ramer. Depuis 1536, conformément à un accord commercial - difficilement applicable - avec la Turquie, la capture d’esclaves français est interdite.
Dans Le Grand Saint du Grand Siècle : Monsieur Vincent (Tome II, Desclée de Brouwer, 1932), Pierre Coste explique : Louis XIII donna les moyens financiers à Monsieur Vincent pour envoyer des prêtres en Barbarie. En 1643, une dame de la Charité, la duchesse d'Aiguillon, établissait une maison de missionnaires à Marseille, achetait le consulat d'Alger pour le donner à la Congrégation de la Mission (et installait un petit hôpital), puis celui de Tunis. Pour éviter des rivalités, les consuls et les missionnaires étaient placés sous la direction unique de Vincent, qui n’a pu étendre ces activités ni au Maroc ni à la Tripolitaine.
Il s’agissait d’aider physiquement et spirituellement les captifs (y compris par un service de courrier entre eux et leurs familles). Et, si possible, les racheter. Louis Abelly* estime à 1 200 le nombre de captifs libérés entre 1645 et 1661. Les sommes collectées étaient centralisées à Saint-Lazare et étaient envoyées à l'établissement de Marseille, qui les faisait parvenir en Barbarie par mer. Les prêtres et les religieux étaient prioritairement sauvés.
Renier publiquement sa foi chrétienne permettait, en principe, de mettre fin à sa captivité, mais l’apostat ne pouvait pas quitter le territoire et regagner son pays.


Aumônier de la reine et simple curé

Vincent s’acquitte de sa mission, puis, ne voulant pas, selon son biographe, « que la faveur du roi de la Terre fasse obstacle aux grâces du roi du Ciel » ne séjourne pas à la cour et se retire dans un loge ment qu’il avait loué au faubourg Saint-Germain. Ce quartier est celui où résident les principaux officiers de la reine Marguerite (1553-1615), dont il est aumônier ordinaire. Là, il se lie avec le secrétaire de celle-ci, un certain Dufresne. Il ne reste pas longtemps dans ce quartier qu’il juge probablement trop « dans le monde ». Il prend pension chez les frères de l’Oratoire8. Il y demeure environ deux ans. Pendant cette période, François Bourgoing, alors curé de Saint-Médard 9, manifeste le désir d’entrer chez les oratoriens. Leur fondateur, le future cardinal Pierre de Bérulle pousse Vincent à accepter cette cure en 1612. Il y fait preuve de dévouement et entreprend de rebâtir l’église délabrée10.


Prédicateur charismatique

En 1613, Pierre de Bérulle incite Vincent à accepter la charge de précepteur des enfants d’Emmanuel de Gondi, le puissant comte de Joigny, général des galères de France 11. Il passera douze ans dans cette maison, retiré dans sa chambre d’où, selon son biographe, il ne sortait que quand on l’appelait ou quand la cha rité lui en faisait un devoir. Si on en juge par ses nombreuses activités charitables, il dut, selon nous, y passer bien peu de temps, car celles-ci étaient multiples :
« On le voyait alors parler et s'entremettre avec grande charité, et faire tout le bien qu'il pouvait aux uns et aux autres ; il apaisait les querelles et dissensions, et procurait l'union et la concorde entre les domestiques ; il les allait visiter dans leurs chambres quand ils étaient malades, et après les avoir consolés, leur rendait jusqu'aux moindres services aux approches des fêtes solennelles, il les assemblait tous pour les instruire et les disposer à la réception des sacrements ; il faisait couler de bons propos à table pour en bannir les paroles inutiles ; et lorsque Monsieur ou Madame le menaient aux champs avec Messieurs leurs enfants, comme à Joigny, Montmirail, Villepreux et autres de leurs terres, tout son plaisir était d'employer les heures qui lui étaient libres à instruire et catéchiser les pauvres, à faire des exhortations et des prédications au peuple, à administrer les sacrements et particulièrement celui de pénitence, avec l’approbation des évêques des lieux et l'agrément des curés. » Un exemple de cette activité débordante est la « confession générale de Gannes » le 25 janvier 1617 : « M. Vincent étant allé en Picardie avec Madame qui y possédait plusieurs terres, et faisant séjour au château de Folleville, au diocèse d'Amiens, où il s'occupait à ses œuvres de miséricorde, on le vint un jour prier d'aller au village de Gannes, [...] pour confesser un paysan qui était dangereusement malade [...] M. Vincent eut la pensée de le porter à faire une confession générale [...] quelque bonne vie que cet homme eût menée en apparence, il se trouva qu'il avait la conscience chargée de plusieurs péchés mortels dont il ne s’était jamais accusé en confession comme lui-même le déclara hautement depuis, même en la présence de Madame [de Gondi] : « Ah ! Madame ! lui dit-il, j'étais damné si Je n'eusse fait une confession générale, à cause de plu sieurs gros péchés dont je n’avais osé me confesser ». Vincent racontera cet épisode dans une conférence ecclésiastique tenue à Saint-Lazare. À la suite de cet événement, madame de Gondi lui demande de prêcher à l’église de Folleville pour exhorter les fidèles à la confession générale. Son prêche a tant de succès que l’on est contraint, pour satisfaire tout le monde, d’appeler plusieurs pères jésuites d’Amiens à la rescousse... On doit en conclure que Vincent était doué d’un charisme peu commun.
À la suite de cette mission11, madame de Gondi fait un testament par lequel elle donne seize mille livres pour fonder une mission « au lieu et en la manière que Vincent jugerait à propos ». Ce premier don important illustre bien la carrière du futur saint Vincent de Paul qui en recevra de nombreux autres et les utilisera toujours avec une stupéfiante efficacité, qui en fait un gestionnaire surdoué.

Créateur d’ordres et de confréries charitables

Désireux de venir en aide aux pauvres, en juillet 1617, Vincent s’échappe de la maison de Gondi sous le prétexte d’un petit voyage. Pierre de Bérulle, le voyant résolu à quitter le service des Gondi, lui propose d’aller travailler en Bresse où l’on manque de prêtres, et lui désigne Châtillon-les-Dombes. Là, Vincent va donner une nouvelle preuve de son charisme. Une dame de la région, alors qu’il s’apprête à mon ter en chaire, lui demande de recommander à la charité des paroissiens une famille dont la plupart des membres et les serviteurs sont tombés malades. Il prêche. Après l'office de vêpres, Vincent part vers cette maison avec quelques habitants du lieu. En chemin, il rencontre nombre de villageois qui reviennent par troupe après avoir visité cette famille qu’il leur avait recommandée. Son biographe lui prête alors ces paroles :« Voilà, une grande charité qu'ils exercent, mais elle n'est pas bien réglée ; ces pauvres malades auront trop de provisions tout à la fois, dont une partie sera gâtée et perdue, et puis après ils retomberont en leur première nécessité. » Dès le lendemain il confère avec les dames les plus riches et les plus zélées de la paroisse avec lesquelles il crée une « confrérie de la charité » dont il rédige immédiatement les règlements. Cette confrérie servira de modèle à toutes celles qu’il établira lui-même et à celles fondées par ses disciples... Cependant, la famille de Gondi et Pierre de Bérulle font pression pour qu’il reprenne sa charge de précepteur. Le 23 décembre 1617, il quitte Châtillon et revient à la maison de Gondi. Ceux-ci ont compris qu’ils ne garderaient Vincent à leur service qu’en le surchargeant de travaux missionnaires et charitables : puisqu’il a évangélisé les terres de sa femme, le général lui demande d’évangéliser les siennes. Cette mission sera un grand succès, son biographe note même qu’à Montmirail en 1620, il ramène trois hérétiques (protestants) à la foi catholique.
En 1629, l’une des pénitentes de Vincent vient se mettre à son service, se chargeant de visiter régulièrement les confréries de charité qu’il avait établies dans divers villages. C'est Louise de Marillac (1591-1660), veuve d’Antoine Le Gras, secrétaire de la reine mère Marie de Médicis, plus connue comme Mademoiselle Le Gras. Sa collaboration permet aux confréries de se multiplier rapidement.

Aumônier des prisonniers, des militaires, et de nombreuses communautés

La mission semble s’être accomplie trop vite et trop bien ! En 1622 le général, voyant sans doute la nécessité de lui per mettre d’étendre le champ de ses activités missionnaires et charitables, obtient du roi Louis XIII, pour Vincent la charge d’aumônier royal des galères. Dans le cadre de cette charge, il doit se rendre à Marseille. Une tradition raconte qu’à l’occasion de ce premier voyage, il se fait recevoir « dans la corporation des Pénitents Blancs de la Sainte Trinité établie dans cette ville en 1306 par les Trinitaires et dont les membres s’engagent à contribuer par leurs aumônes à la rédemption des captifs. » De retour à Paris, Vincent - constatant que l’hygiène du corps, de l’âme et les conditions de détention des galériens sont déplorables - fait appel aux âmes charitables et fonde pour eux un hôpital dans une maison qu’il loue près de l’église Saint-Roch. C’est certainement le premier hôpital pénitentiaire de France et même d’Europe ! Quand les galères de Marseille seront transférées à Bordeaux, il en fondera un second. Quand on les déplacera à Toulon, il en créera un troisième.
Comme ses multiples activités lui laissent encore du temps disponible (!), les futurs saints François de Sales et Jeanne de Chantal(fondateurs de l'ordre de la Visitation) lui demandent de devenir l’aumônier de la Visitation.

La Congrégation de la Mission

Madame de Gondi tient à son institution missionnaire. Elle en parle à son mari, qui l’approuve, et tous deux communiquent leur dessein à Jean-François de Gondi, son frère, successeur du cardinal de Retz au gouvernement de l'Église de Paris. Ce prélat s’associe à l’opération et destine au logement de ces prêtres le collège des Bons-Enfants13, dont il dispose. Tous trois en parlent ensemble à Vincent et il agrée leur proposition. Il sera le principal de cet établissement où se retireront des prêtres. Il les dirigera et leur assignera les missions auxquelles ils s'appliqueront. Le premier jour de mars 1624, l'archevêque lui fait expédier les provisions de la principauté du col lège des Bons-Enfants. Le 17 avril 1625, le contrat de fondation est signé. Vincent se retire au collège dans le courant de l’année. Le roi approuve la fondation par une lettre de patente datée de mai 1627. Par la bulle Salvatoris Nostri du 12 janvier 1633, Urbain VIII érige la compagnie en congrégation sous le titre de Prêtres de la Congrégation de la Mission.

Apprécié de Louis XIII, qu’il assiste dans ses derniers instants

Mademoiselle Le Gras qui, au nom de Vincent, dirige les confréries de charité, lui fait observer que cette œuvre aurait besoin de servantes, d’un personnel per manent qui effectuerait les tâches courantes plutôt que de les voir confier, comme c’était le cas jusqu’à présent, aux domestiques des dames des confréries. Vincent songe alors qu’il y a dans les villages de nombreuses filles qui n’ont ni le goût du mariage ni les moyens d’entrer en religion 14. Il établit donc en 1633 un corps de filles qui se consacrent à ce service. Cette communauté s’étend rapidement et il y a bientôt de ces « servantes des pauvres et des malades » dans toute l’Europe. En 1642, Vincent leur prescrit des règles. Elles sont approuvées par l’archevêque de Paris qui les érige en congrégation sous le titre de Filles de Charité servantes des pauvres. Celles qu’on appellera les sœurs de Saint Vincent de Paul et leurs célèbres cornettes viennent de naître. En 1643, madame veuve Goussault, qui visite régulièrement les malades de l’Hôtel Dieu, s’adresse à Vincent et lui demande de fonder une compagnie de dames pour le service de l’Hôtel-Dieu. Il refuse : cet hôpital n’étant pas placé sous son autorité. Elle fait intervenir l’archevêque de Paris qui ordonne à Vincent d’accepter. C’est encore une réussite. En 1638, il loue une maison destinée à accueillir les enfants abandonnés et en confie la direction à Mademoiselle Le Gras. Parallèlement, Vincent avait établi à Saint-Lazare des conférences hebdomadaires destinées aux « ordinables ». Elles débouchent en 1636 sur la fondation du séminaire des Bons-Enfants. En 1636 également, la Mission installée à Saint Lazare sert, par ordre du roi, de lieu de formation des nouvelles recrues de l’armée15. À la suite de cette mesure, Vincent reçoit de Louis XIII l’ordre d’envoyer vingt prêtres de la mission aux armées. L’aumônerie militaire est née. Plus tard, Louis XIII, gravement malade, le fait appeler à son chevet au château de Saint-Germain et c’est lui qui l’assistera dans ses derniers moments, le 14 mai 1643. La reine, qui devient régente, institue un conseil chargé des affaires ecclésiastiques composé de Mazarin, Vincent de Paul, Charton (Pénitencier de Paris) et le chancelier du royaume.
Le 25 juillet 1643, Vincent se rend à Marseille pour y fonder une maison de quatre missionnaires dépendant de la congrégation. Ces prêtres s’occupent des forçats mais aussi, dès que ce sera possible, d'accomplir des missions en pays barbaresque et en particulier « d’assister les pauvres chrétiens esclaves de Barbarie spirituellement et corporellement » (lettre à l'ambassadeur de Turquie, M. de La Haye-Vantelet, te 25 février 1654). Pour éviter que les Turcs leur interdisent d'accomplir leur mission, Vincent obtiendra que ces prêtres soient nommés aumôniers du consulat dans le pays où ils doivent intervenir.
En 1653, Vincent reçoit un don important d’un bourgeois de Paris qui désire rester anonyme, et fonde l’hôpital général des pauvres dans le faubourg Saint-Laurent16 ; puis un hospice pour les personnes âgées, qui deviendra l'hôpital de la Salpêtrière.
Après cette vie débordante d’activité entièrement dédiée à faire le bien sous toutes ses formes, ce fils de paysans pauvres devenu l’un des personnages les plus influents du royaume, tout en restant par humilité un simple curé, meurt le 27 septembre 1660, à 79 ans.
Il sera canonisé rapidement, le 16 juin V37. par Clément XII, après avoir été béatifié le 12 août 1729 par Benoît XII.
Il est le saint patron des œuvres charitables.


(1) Par l'édit de Nemours (18 juillet 1585), Henri III interdit le culte protestant et déchoit Henri de Navarre de ses droits, avec la bénédiction du pape Sixte V qui avait décrété celui-ci hérétique et relaps. Après l’assassinat du duc de Guise et de son frère le cardinal de Lorraine le 23 décembre 1588, Henri III doit s’allier aux protestants et au roi de Navarre, avec lequel il assiège Paris. L’assassinat d’Henri III par Jacques Clément, moine dominicain de la Ligue catholique, installe un protestant sur le trône de France.
(2) Un personnage non identifié l’avait couché sur son testament.
(3) Son biographe Louis Abelly* suppose que cette lettre contenait quelque passage qui blessait la modestie du saint prêtre, d’où son désir de la détruire
(4) Depuis 1536, la France a obtenu des privilèges commerciaux en Turquie, la capture d’esclaves français est illégale
(5) Longue casaque brodée à manches.
(6) Médecine basée sur l’art alchimique utilisant comme médicament des quintessences de minéraux, de plantes, de produits d’animaux.
(7) Lisez l'article sur saint Tropez et celui traitant des esclaves chrétiens en terre d'Islam
(8) Société de l'Oratoire de Jésus, fondée en 1611 par le futur cardinal Pierre de Bérulle, en s’inspirant de la Congrégation de l'Oratoire de saint Philippe Néri à Rome (reconnue par Grégoire XIII en 1575). C’est une congrégation catholique française vouée à l'enseignement. Dès le XVII' siècle, les collèges oratoriens marquent leur rivalité en France avec l'enseignement des jésuites.
(9) Une église a été construite en 1525 dédiée à saint Médard, dont les reliques passèrent par Clichy. Elle a été reconstruite en 1623 pendant la cure de Vincent, dans un style dépouillé correspondant à la personnalité du futur saint, avec des vitraux racontant sa vie. Trop petite, en 1905, on adjoint perpendiculairement une nouvelle église.
(10) Ici nous relevons une contradiction chez son biographe qui écrit auparavant que « Après la mort de la reine (1615), Dufresne le met en contact avec Emmanuel de Gondi dont Vincent devient le secrétaire puis l’intendant ». Il attribue ensuite cette démarche à Pierre de Bérulle en 1613. Nous n’avons aucun moyen de résoudre cette contradiction, le texte ayant été écrit en 1672 et ayant servi de source à presque tous les ouvrages plus récents.
(11) Le terme « mission » est appliqué par son biographe à toutes les prédications faites par Vincent hors d’une cure dont il est titulaire. De fait, il étend le sens habituel qui est « prêcher l’évangile à des hérétiques ou des infidèles » à tout prêche ou toute assistance religieuse donnée par un prêtre hors de sa paroisse ou par un prêtre sans paroisse.
(12) Il s’agit du collège des Bons-Enfants-Saint-Victor, un collège de l'ancienne Université de Paris. Il fut fondé au XIII’ siècle rue Saint-Victor. Devenu rapidement trop petit, il sera remplacé le 7 janvier 1632 par la Maison Saint-Lazare.
(13) On n’entre pas, alors, au couvent sans avoir fait un don important à la communauté.
(14) Par exemple, Raimond VII échange ses domaines du Rouergue et du Quercy contre le non-paiement de la rente annuelle qu’il devait verser au royaume de France.
(15) Le 2 juillet, les armées de Philippe IV d’Espagne ont ouvert un nouveau front en Picardie. Le roi a un urgent besoin de troupes fraîches.
(16) Nom porté jusqu’à la Révolution par la rue du Faubourg-Saint-Martin à partir de son intersection avec la rue du Château-d’Eau (Paris Xe).




Bibliographie
* Louis Abelly, évêque de Rodez, S. Vincent de Paul, 1668, Desclée de Brouwer - réédition en 1900.Lire sur le site de la B. n. F.
** Abbé Léon Godard Soirées algériennes Corsaires, esclaves et martyrs de Barbarie, 1857.Lire sur le site de la B. n. F.
*** Yves Danjou, C.M. Province de Paris, Saint Vincent de Paul et l’Islam, texte publié sur Internet reprenant en partie l’article de l’auteur publié sous le même titre dans le Bulletin des Lazaristes de France n° 98, en février 1985.Lire sur Vincentiana.fr






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